Etre libre, c’est aussi se
satisfaire d’une culture de masse qui n’est pas la culture
populaire de jadis, mais la culture de la médiocrité, de
l’abrutissement et de l’avilissement des valeurs et des vertus
héritées de nos ancêtres. Un raisonnement si délicieux n’est
pas non plus sans nous rappeler l’adage orwellien : « La liberté,
c’est l’esclavage ». Que l’on se rassure, l’inverse
fonctionne également.
Cette saillie fait surtout
montre de toute l’arrogance de l’occidental, qui n’est en
réalité autre que l’homme moderne. Ce sentiment de supériorité,
justifié uniquement du point de vue peu flatteur du matérialisme et
de ses déclinaisons technico-scientifiques et
industrialo-marchandes, nous renvoie directement aux heures (les plus
sombres) du colonialisme français triomphant, qui voyaient un Ferry
ou un Blum battre l’estrade et clamer à la tribune que les races
supérieures avaient un droit, et même un devoir, de civiliser les
races inférieures ; quand l’homme traditionnel qu’était Lyautey
défendait l’idée que les Africains n’étaient pas inférieurs,
mais autres.
Depuis, rien n’a véritablement
changé, et les Afriques, comme le reste du monde, si elles ont été
décolonisées physiquement, n’en sont que plus que jamais sous
domination impériale. L’homme moderne y projète toujours ses
schémas idéologiques et ses névroses, substituant à ses
administrateurs coloniaux ses bataillons de l’humanitaire et ses
apôtres du Développement, version économique du mythe du Progrès,
veau d’or de notre civilisation. Des esprits angéliques nous
accuseraient d’égoïsme ou de mauvais sentiments. Il est vrai que
notre société nage dans le sentimentalisme le plus puéril, faisant
insulte à l’intelligence. Egoïste, notre pensée ne l’est pas,
et c’est au contraire celle de nos détracteurs qui dégage un
certain ethnocentrisme, le Développement n’étant en novlangue que
la traduction d’ «occidentalisation par les modes de production et
de consommation soumis à l’objectif de Croissance». Nous
souhaitons le meilleur pour les Afriques ? Décolonisons-les, pour
reprendre le titre d’un ouvrage de Bernard Lugan. Mentalement.
L’égalité, l’individu et l’Etat-nation sont des conceptions
étrangères à ce continent dont le modèle d’organisation est
fondé sur la tribu et la famille élargie, qui n’a toujours connu
que l’économie de la rareté quand nous lui avons apporté
l’abondance et surtout son corollaire qu’est la misère.
Profitons-en pour nous questionner sur la pertinence de telles idées
en Occident-même.
Finalement, il y a bien une
chose qui a «évolué», démentant en cela l’idée de Progrès.
S’il y a un siècle les Occidentaux pouvaient s’enorgueillir, à
défaut d’intellectualité pure, d’arguments artistiques et
littéraires, il n’est pas certain que le dirigeant israëlien
puisse aujourd’hui plastronner, ses paroles illustrant la déchéance
réelle de la pensée occidentale, qui ce qui les rend d’autant
plus odieuses qu’elles s’adressent aux héritiers d’une
civilisation bien plus ancienne et élevée que fut la Perse.
Article écrit par Luc Bouchinet
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