dimanche 13 octobre 2013

D'une colonie l'autre, ou l'arrogance et la bêtise.

Le premier ministre israëlien, Benyamin Netanyahou, a refait des siennes. Il a en effet déclaré que « si les iraniens étaient libres, ils porteraient des jeans et écouteraient de la musique occidentale ». De tels propos n’ont bien évidemment pas suscité la réaction des hérauts de la diversité, dont il est désormais de notoriété publique qu’ils ne sont qu’un levier dans la stratégie globale de déracinement. De la «pensée» de Netanyahou, il faut conclure que l’homme libre n’est autre que le consommateur occidental moyen, sans pères (patrie) et sans repères, à qui il n’est proposé pour satisfaire son besoin de fidélité que le seul Etat froid et tentaculaire derrière lequel se cache le divin marché, véritable marionnettiste qui le broie.

Etre libre, c’est aussi se satisfaire d’une culture de masse qui n’est pas la culture populaire de jadis, mais la culture de la médiocrité, de l’abrutissement et de l’avilissement des valeurs et des vertus héritées de nos ancêtres. Un raisonnement si délicieux n’est pas non plus sans nous rappeler l’adage orwellien : « La liberté, c’est l’esclavage ». Que l’on se rassure, l’inverse fonctionne également.

Cette saillie fait surtout montre de toute l’arrogance de l’occidental, qui n’est en réalité autre que l’homme moderne. Ce sentiment de supériorité, justifié uniquement du point de vue peu flatteur du matérialisme et de ses déclinaisons technico-scientifiques et industrialo-marchandes, nous renvoie directement aux heures (les plus sombres) du colonialisme français triomphant, qui voyaient un Ferry ou un Blum battre l’estrade et clamer à la tribune que les races supérieures avaient un droit, et même un devoir, de civiliser les races inférieures ; quand l’homme traditionnel qu’était Lyautey défendait l’idée que les Africains n’étaient pas inférieurs, mais autres.

Depuis, rien n’a véritablement changé, et les Afriques, comme le reste du monde, si elles ont été décolonisées physiquement, n’en sont que plus que jamais sous domination impériale. L’homme moderne y projète toujours ses schémas idéologiques et ses névroses, substituant à ses administrateurs coloniaux ses bataillons de l’humanitaire et ses apôtres du Développement, version économique du mythe du Progrès, veau d’or de notre civilisation. Des esprits angéliques nous accuseraient d’égoïsme ou de mauvais sentiments. Il est vrai que notre société nage dans le sentimentalisme le plus puéril, faisant insulte à l’intelligence. Egoïste, notre pensée ne l’est pas, et c’est au contraire celle de nos détracteurs qui dégage un certain ethnocentrisme, le Développement n’étant en novlangue que la traduction d’ «occidentalisation par les modes de production et de consommation soumis à l’objectif de Croissance». Nous souhaitons le meilleur pour les Afriques ? Décolonisons-les, pour reprendre le titre d’un ouvrage de Bernard Lugan. Mentalement. L’égalité, l’individu et l’Etat-nation sont des conceptions étrangères à ce continent dont le modèle d’organisation est fondé sur la tribu et la famille élargie, qui n’a toujours connu que l’économie de la rareté quand nous lui avons apporté l’abondance et surtout son corollaire qu’est la misère. Profitons-en pour nous questionner sur la pertinence de telles idées en Occident-même.

Finalement, il y a bien une chose qui a «évolué», démentant en cela l’idée de Progrès. S’il y a un siècle les Occidentaux pouvaient s’enorgueillir, à défaut d’intellectualité pure, d’arguments artistiques et littéraires, il n’est pas certain que le dirigeant israëlien puisse aujourd’hui plastronner, ses paroles illustrant la déchéance réelle de la pensée occidentale, qui ce qui les rend d’autant plus odieuses qu’elles s’adressent aux héritiers d’une civilisation bien plus ancienne et élevée que fut la Perse.

Article écrit par Luc Bouchinet

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