jeudi 23 janvier 2014

Mathématiques et politique : un flirt douteux

C’est une nouvelle qui est passée relativement  inaperçue au vu du peu de réactions qu’elle a suscitées : c’est Cédric Villani qui présidera le comité de soutien d’Anne Hidalgo pour les prochaines élections municipales à Paris. Pour ceux à qui le nom ne dit rien, Cédric Villani est un grand mathématicien français diplômé de l’ENS (et de Paris-Dauphine), directeur de l'Institut Henri-Poincaré, professeur à Lyon 1, et distingué par de nombreux prix dont la prestigieuse médaille Fields (la distinction ultime pour les mathématiciens). Connu pour son excentricité vestimentaire et pour son investissement dans la communication scientifique auprès du grand public, il est le fruit d’une longue tradition d’excellence mathématique française, excellence qui perdure à l’heure actuelle malgré les diverses actions des gouvernements successifs pour abaisser encore et encore le niveau de notre école publique (mais ce n’est pas l’objet de ce billet !). Alors que la science est généralement caractérisée par son apolitisme (sauf la biologie évidemment), c’est donc l’un des plus éminents représentants des mathématiques, mère de toutes les sciences, qui vient d’apporter son soutien à la candidate socialiste. Certains n’y verront certainement aucun problème (mis à part éventuellement le choix du candidat, mais ce n’est pas la question ici), là où je vois un mariage incompatible. En effet, les mathématiques incarnent avant tout la vérité, la pureté et l’universalité (personne ne les conteste) quand la politique (généralement)  est l’exact opposé de ces concepts. C’est donc quelque part une sorte de trahison qu’un grand mathématicien, qui se devrait d’être au-dessus de tout cela comme le sont la plupart de ses confrères, s’engage de la sorte, qui plus est dans un scrutin de faible envergure. Car pour justifier sa prise de position, Cédric Villani avance l’argument qu’Anne Hidalgo est très en avance sur sa principale concurrente en ce qui concerne l’écologie, un point qui le touche plus particulièrement. Je défendrai toujours l’idée selon  laquelle la communauté scientifique doit s’engager et prendre des positions tranchées concernant la sauvegarde de notre milieu de vie (plus communément appelée « écologie », bien que le terme soit devenu quelque peu péjoratif dans le milieu politique), mais ce n’est clairement pas dans un enjeu municipal que cet engagement doit se traduire : pas besoin d’être fin analyste pour savoir que le choix entre NKM et Hidalgo n’est pas assez déterminant pour que la science s’y intéresse et se rabaisse à de la politique politicienne qui ne la mérite pas. Et je dis «  la science » car pour moi, Cédric Villani représentait parfaitement cette conception du matheux ayant atteint un tel niveau dans le raisonnement et l’abstraction qu’il se situe finalement « au-dessus » de toute préoccupation matérialiste. C’est pourquoi la nouvelle de son soutien à Anne Hidalgo m’a profondément déçu : les éminents scientifiques (surtout les mathématiciens) doivent parfois prendre position, mais il ne faut pas qu’ils se rabaissent à le faire pour ce type d’enjeu.

Tristan Velardo

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